
La solitude. Un sentiment complexe : parfois, on n'a qu'une seule envie, être seul. Pour respirer, réfléchir, avoir son intimité. À d'autres moments, la solitude est si insupportable qu'on sort de chez soi uniquement pour croiser des gens. La solitude, ce sentiment que j'ai mis tant d'années à dompter. Enfant, il n'en était même pas question. Même au moment d'aller dormir, ce moment où la solitude se fait le plus sentir, j'entendais la respiration de ma sœur à l'autre bout de la chambre. Je l'entendais se retourner, et parfois, cette question : "tu dors ?". Si la réponse était négative, s'ensuivait généralement de longues séances de discussions, des rigolades, et parfois même quelques chansons. Ça me paraît si loin...
Est venue l'heure du grand saut : vivre seul dans une ville inconnue, faire le premier pas vers des étrangers, proposer un ciné, un verre, un repas, n'importe quoi pour combler ses soirées en solitaire. Je n'ai jamais connu de plus longues soirées que celles très grises le dimanche soir à Brest dans cette grande chambre-salon à la moquette ultra-usée. Tout faire pour ne pas penser à la solitude, lire, regarder des DVD, et surtout ne pas regarder son profil msn en attendant désespérément qu'il se connecte...
Pourtant, aujourd'hui, je travaille seule. Peu enthousiaste au début, je commence à y voir de plus en plus d'avantages. Et je ne suis
plus aussi seule maintenant. Bien sûr, j'ai toujours le cœur qui bat un peu et un sourire qui s'esquisse quand j'entends les clés de M. tourner dans la serrure, mais je ne "l'attends" plus. Et alors que j'ai répété pendant des années que je ne supportais pas d'aller au cinéma seule, depuis peu, je n'y vais presque plus que comme ça. Je vais voir tous les films qui ne tentent pas M., j'y vais l'après-midi quand mon travail me le permet (j'aime sortir de la salle directement dans la rue et être éblouie par cette lumière dont j'avais presque oublié l'existence), j'observe les autres spectateurs, je me demande pourquoi ils viennent seuls, pourquoi ils ont choisi ce film, quels films ils ont aimé dernièrement...
Pendant la séance des
Rêves dansants, je me suis assise près d'une dame âgée emmitouflée dans son manteau. J'ai été heureuse de voir quelqu'un de cet âge profiter encore des plaisirs du quotidien et j'ai souri en la voyant sortir une tablette de chocolat de son sac de voyage rouge et le grignoter sans faire de bruit. Une maman et sa fille adolescente sont venues s'asseoir près de moi pendant les bandes annonces. En les voyant, je me suis surprise à penser : "un jour , si j'ai une fille, j'aimerais l'emmener au cinéma et j'espère qu'elle aura envie de découvrir des films de tout horizon...". Il y aussi eu
Les amours imaginaires, que j'ai beaucoup aimé (mais j'ai préféré
J'ai tué ma mère), pour le
Bang Bang de Dalida, les belles robes de Marie, la maison au bord du lac, le thé sans madeleine, l'affiche d'Audrey Hepburn, les belles lettres scellées, le guest-star final qui m'a paru tellement logique que j'en ai ri... Et
Buitiful, un film qui montre une autre Barcelone, celle des immigrants, des trafics, celle où ne vont pas les touristes. Pourtant, malgré certaines scènes très dures, une tristesse quasi-ambiante, un destin dont on connaît très vite l'issue, je n'ai pas trouvé le film déprimant. C'était beau, malgré toute cette noirceur, malgré ces rues sales, ces appartements délabrés, et j'ai trouvé cette magnifique scène dans la neige pleine d'espoir.
Et parce qu'il ne faudrait pas rentrer dans la routine, je suis allée voir hier soir
The Social Network avec mon amie M. et contrairement à ce que je craignais, j'ai aimé. La scène d'entrée parfaitement rythmée, la neige, le débit incroyable et les yeux tristes de Jesse Eisenberg, les mouvements parfaitement coordonnés des avironneurs, l'histoire du poulet, les tongues du héros malgré l'hiver (j'ai souri en rependant que M. faisait la même chose), la musique de Trent Reznor, et puis Andrew Garfield : son look impeccable (même avec un chapeau hawaïen sur la tête, il est craquant), ses yeux sombres difficiles à sonder, sa colère maîtrisée (ou non) et enfin, son regard déçu et trahi, au bord des larmes. Si vous ne l'avez pas vu dans
Boy A, vous pouvez foncer le louer ! Un très beau film qui ne laisse pas indifférent...