Lorsque je rentre à Nantes, je suis toujours heureuse, et un peu nostalgique. Je me sens à la fois chez moi, mais plus tout à fait. J'ai l'impression d'être une observatrice, de regarder la ville d'un œil nouveau et surtout, attendri. Lors de mon séjour il y a quelques semaines, une journée a particulièrement été placée sous le signe des souvenirs. C'était un vendredi, le temps était magnifique, encore plus que les jours précédents, et après un repas léger avec ma mère, j'ai décidé de me balader. Et de faire quelque chose que je n'ai pas fait depuis des siècles : prendre le bus ! Même lorsque j'habitais à Nantes, je prenais la plupart du temps le tramway, que j'ai toujours trouvé plus agréable et plus rapide. Ce vendredi, je n'avais pas le choix pour me rendre à la bibliothèque Hermeland.
Lorsque le bus est arrivé, j'ai composté mon ticket et je me suis assise au soleil, dans le sens contraire de la marche (j'aime ne pas voir où je vais). Je me suis laissée bercer par le mouvement du bus tandis qu'il passait devant tous ces endroits qui avaient compté : mon lycée, la rue où ont vécu mes grands-parents, le Parc de Procé où j'ai goûté mes premiers chichis, la rue où vivait ma meilleure amie de lycée... Tout d'un coup, je me suis rendue compte que c'était le bus que je prenais pour aller à mes cours de guitare : en passant devant la rue de la musique (pour un prof de guitare, c'est approprié), j'ignore pourquoi, j'ai eu un petit pincement au cœur... À l'époque, j'étais toujours un peu stressée en parcourant les derniers mètres jusqu'à chez lui, de peur de ne pas être assez douée, de ne pas avoir assez répété, mais je ressortais toujours ravie. Quelle bécasse je suis d'avoir arrêté...
Une fois descendue du bus, j'ai marché quelques mètres et entendu des miaulements. Sur le rebord d'une fenêtre, au deuxième étage, un chat me regardait et poussait des petits cris désespérés. Je me suis un peu approchée, puis je me suis dirigée vers ce grand bâtiment bleu ciel quelque peu austère. J'ai avancé doucement, éblouie par le soleil, encore nostalgique de mon trajet de bus, lorsqu'un monsieur barbu m'a indiqué la salle d'exposition. Des enfants étaient là, assis par terre, suspendus aux lèvres d'une employée de la bibliothèque qui leur expliquait les différentes illustrations. Je n'ai pas osé trop m'approcher, de peur de les déranger, et je suis partie dans l'autre direction. J'ai fait le tour de la salle, j'ai regardé chaque dessin avec attention, plusieurs fois, puis je me suis arrêtée derrière le groupe et j'ai à mon tour écouté. J'aurais aimé être un de ses enfants et découvrir le travail de Joanna Concejo à travers leurs yeux. Et j'aurais aimé assisté à de telles expositions à leur âge.
J'ai découvert Joanna Concejo par hasard au Petit Atelier de Paris il y a quelques mois. Elle y avait exposé des dessins et réalisé des objets spécialement pour le magasin. Je regrette encore de ne pas m'être offert son joli torchon (mais comme j'en ai déjà pas mal...). Après ce coup de cœur instantané, j'ai dévoré son blog pour en apprendre plus sur elle et son travail. Quelle n'a pas été ma surprise quand j'ai vu qu'elle exposait à St Herblain, juste à côté de Nantes, et pile au moment où je rentrais ! Ça faisait un moment que je voulais voir ses dessins et ses livres "en vrai" et j'ai bien fait d'attendre. Dans cette salle peinte aux couleurs de l'univers de Joanna, j'ai pu apprécier son trait délicat, ses personnages aux expressions si justes, la mélancolie qui s'en dégage parfois, les teintes pastel et les feuilles sépia qui donnent l'impression d'une autre époque. Même lorsqu'elle illustre l'œuvre des autres, on retrouve dans le monde de Joanna une perspective unique et un fourmillement de détails qui ajoutent du sens à chaque nouvelle lecture. Et surtout, je trouve ses dessins très touchants.
Sur le chemin du retour, des images encore plein la tête, j'ai décidé de m'arrêter près de chez mes grands-parents. En descendant leur rue, j'ai repensé à des milliards de choses, à tout ce que j'avais vécu là : les parties de ballon près de la porte du garage, les cabanes dans les noisetiers, la cueillette des fraises des bois... J'ai marché un peu plus loin, jusqu'à ce champ encore à l'abandon dans lequel nous devenions des Robinson Crusoé, concoctant de la bouillie avec les fleurs des champs. Cet endroit que nous aimions tant, malgré les remontrances de ma grand-mère et malgré les orties qui nous piquaient les jambes. Je me suis rapprochée des grandes marches en ardoise menant à la maison. Est-ce que ce brin de violette était toujours près du pas de la porte ? Et puis j'ai aperçu un jeune homme à la fenêtre de ce qui était autrefois le salon. Il me regardait, se demandant sûrement pourquoi je rôdais près de chez lui. J'ai vite fait demi-tour et j'ai senti une larme couler sur ma joue, derrière mes lunettes de soleil. C'est dur de se dire que je n'ai plus droit de visite dans cette maison qui restera à tout jamais pour moi celle de mes grands-parents...
L'exposition de Joanna Concejo a lieu jusqu'au 18 juin à la Médiathèque Hermeland, à St Herblain. Si vous habitez dans le coin, je vous conseille vivement d'y aller !
Ça fait deux semaines que j'ai commencé cet article, mais en repensant à cette journée, impossible de le terminer. Il me fallait peut-être plus de temps pour tout digérer... En tout cas, désolée de mon absence prolongée.
Lorsque le bus est arrivé, j'ai composté mon ticket et je me suis assise au soleil, dans le sens contraire de la marche (j'aime ne pas voir où je vais). Je me suis laissée bercer par le mouvement du bus tandis qu'il passait devant tous ces endroits qui avaient compté : mon lycée, la rue où ont vécu mes grands-parents, le Parc de Procé où j'ai goûté mes premiers chichis, la rue où vivait ma meilleure amie de lycée... Tout d'un coup, je me suis rendue compte que c'était le bus que je prenais pour aller à mes cours de guitare : en passant devant la rue de la musique (pour un prof de guitare, c'est approprié), j'ignore pourquoi, j'ai eu un petit pincement au cœur... À l'époque, j'étais toujours un peu stressée en parcourant les derniers mètres jusqu'à chez lui, de peur de ne pas être assez douée, de ne pas avoir assez répété, mais je ressortais toujours ravie. Quelle bécasse je suis d'avoir arrêté...
Une fois descendue du bus, j'ai marché quelques mètres et entendu des miaulements. Sur le rebord d'une fenêtre, au deuxième étage, un chat me regardait et poussait des petits cris désespérés. Je me suis un peu approchée, puis je me suis dirigée vers ce grand bâtiment bleu ciel quelque peu austère. J'ai avancé doucement, éblouie par le soleil, encore nostalgique de mon trajet de bus, lorsqu'un monsieur barbu m'a indiqué la salle d'exposition. Des enfants étaient là, assis par terre, suspendus aux lèvres d'une employée de la bibliothèque qui leur expliquait les différentes illustrations. Je n'ai pas osé trop m'approcher, de peur de les déranger, et je suis partie dans l'autre direction. J'ai fait le tour de la salle, j'ai regardé chaque dessin avec attention, plusieurs fois, puis je me suis arrêtée derrière le groupe et j'ai à mon tour écouté. J'aurais aimé être un de ses enfants et découvrir le travail de Joanna Concejo à travers leurs yeux. Et j'aurais aimé assisté à de telles expositions à leur âge.
J'ai découvert Joanna Concejo par hasard au Petit Atelier de Paris il y a quelques mois. Elle y avait exposé des dessins et réalisé des objets spécialement pour le magasin. Je regrette encore de ne pas m'être offert son joli torchon (mais comme j'en ai déjà pas mal...). Après ce coup de cœur instantané, j'ai dévoré son blog pour en apprendre plus sur elle et son travail. Quelle n'a pas été ma surprise quand j'ai vu qu'elle exposait à St Herblain, juste à côté de Nantes, et pile au moment où je rentrais ! Ça faisait un moment que je voulais voir ses dessins et ses livres "en vrai" et j'ai bien fait d'attendre. Dans cette salle peinte aux couleurs de l'univers de Joanna, j'ai pu apprécier son trait délicat, ses personnages aux expressions si justes, la mélancolie qui s'en dégage parfois, les teintes pastel et les feuilles sépia qui donnent l'impression d'une autre époque. Même lorsqu'elle illustre l'œuvre des autres, on retrouve dans le monde de Joanna une perspective unique et un fourmillement de détails qui ajoutent du sens à chaque nouvelle lecture. Et surtout, je trouve ses dessins très touchants.
Sur le chemin du retour, des images encore plein la tête, j'ai décidé de m'arrêter près de chez mes grands-parents. En descendant leur rue, j'ai repensé à des milliards de choses, à tout ce que j'avais vécu là : les parties de ballon près de la porte du garage, les cabanes dans les noisetiers, la cueillette des fraises des bois... J'ai marché un peu plus loin, jusqu'à ce champ encore à l'abandon dans lequel nous devenions des Robinson Crusoé, concoctant de la bouillie avec les fleurs des champs. Cet endroit que nous aimions tant, malgré les remontrances de ma grand-mère et malgré les orties qui nous piquaient les jambes. Je me suis rapprochée des grandes marches en ardoise menant à la maison. Est-ce que ce brin de violette était toujours près du pas de la porte ? Et puis j'ai aperçu un jeune homme à la fenêtre de ce qui était autrefois le salon. Il me regardait, se demandant sûrement pourquoi je rôdais près de chez lui. J'ai vite fait demi-tour et j'ai senti une larme couler sur ma joue, derrière mes lunettes de soleil. C'est dur de se dire que je n'ai plus droit de visite dans cette maison qui restera à tout jamais pour moi celle de mes grands-parents...
L'exposition de Joanna Concejo a lieu jusqu'au 18 juin à la Médiathèque Hermeland, à St Herblain. Si vous habitez dans le coin, je vous conseille vivement d'y aller !
Ça fait deux semaines que j'ai commencé cet article, mais en repensant à cette journée, impossible de le terminer. Il me fallait peut-être plus de temps pour tout digérer... En tout cas, désolée de mon absence prolongée.